Conférence sur l’impact humain sur la gestion et la pollution de l’eau en avril 2024
En avril 2024, l’Université de Montpellier a accueilli une conférence exceptionnelle intitulée “Humain à l’eau : l’impact humain sur la gestion et la pollution de l’eau”, dédiée à l’exploration des contaminants de l’eau. Organisée par trois chercheurs internationaux – Filomena Silva, Patrick Allard et Ramia Al-Bakain – et soutenue par le Montpellier Advanced Knowledge Institute on Transitions (MAK’IT), cette conférence a rassemblé des experts de diverses disciplines pour croiser leurs perspectives et enrichir le débat sur un sujet crucial pour notre avenir.
Les ressources d’eau vitales de notre planète sont fortement affectées par le changement climatique et la pollution générée par les activités humaines. Cela nous conduit sur une voie à sens unique désastreuse si nous ne prenons pas rapidement des mesures impliquant des acteurs venant de différents domaines et à tous les niveaux. Ce colloque met en lumière les impacts environnementaux importants des activités humaines sur les ressources en eau : de la manière de gérer cette ressource à la manière dont nous pouvons contrôler sa pollution/contamination par les plastiques, les composés per- et polyfluoroalkylés (polluants éternels) ainsi que les métaux lourds et les polluants organiques.
Comprendre le cycle de vie de ces polluants, depuis leur production jusqu’à leur dispersion dans l’environnement, et leurs impacts sur la biodiversité est donc un enjeu majeur de connaissances et de régulation alors qu’au même moment avaient lieu des négociations à Ottawa pour parvenir à un traité mondial visant à mettre fin à la pollution plastique d’ici 2040.
Une Organisation Interdisciplinaire
L’un des aspects les plus remarquables de cette conférence a été son approche interdisciplinaire. Les organisateurs, venant de différents horizons scientifiques, ont su créer un espace de dialogue unique. Filomena Silva, spécialiste en emballages alimentaires, Patrick Allard, généticien, et Ramia Al-Bakain, chimiste, ont uni leurs forces pour aborder les contaminants de l’eau sous divers angles.
Filomena Silva a expliqué : « En tant que food scientist, je n’avais jamais vraiment considéré l’impact de mes recherches sur l’environnement. Cette conférence m’a permis de sortir de ma zone de confort et de réfléchir à la manière dont mes travaux sur les emballages alimentaires peuvent affecter l’eau. »
L’un des points forts de la conférence a été l’accent mis sur une approche holistique de la gestion de l’eau. Les intervenants ont souligné la nécessité de considérer l’ensemble du cycle de vie des contaminants, depuis leur production jusqu’à leur élimination. Ils ont également discuté des solutions potentielles, telles que la réduction de l’utilisation des plastiques, le développement de matériaux alternatifs et la mise en place de politiques plus strictes.
Miguel Oliveira, un des intervenants venant du Portugal, a insisté sur l’importance de l’interdisciplinarité : « L’approche interdisciplinaire est la voie à suivre. Nous devons aborder la présence des particules plastiques, leurs effets, les alternatives possibles et le rôle des citoyens dans la résolution de ce problème. »
Les Défis de la Pollution de l’Eau
La conférence a débuté par une série de présentations sur les différents types de contaminants de l’eau, allant des microplastiques aux polluants éternels comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées). La conférence a débuté par une série de présentations sur les différents types de contaminants de l’eau, allant des microplastiques aux produits chimiques de longue durée comme les PFAS (substances per- et polyfluoroalkyles). La mer Méditerranée est, par exemple, la mer la plus polluée au monde, avec plus de 3 000 milliards de particules de microplastiques. En outre, 230 000 tonnes de déchets plastiques sont déversées dans la mer Méditerranée chaque année, ce qui équivaut à environ 500 conteneurs de plastique par jour.
Les intervenants ont souligné l’importance de comprendre non seulement la présence de ces contaminants, mais aussi leurs effets à long terme sur la santé humaine et des écosystèmes.
« Nous ne pouvons plus continuer à faire comme si de rien n’était. Nos ressources en eau sont tellement dégradées et de si mauvaise qualité que nous avons besoin de solutions beaucoup plus radicales : nous devons arrêter le problème à sa source, en allant vers un monde sans plastique et sans PFAS. »
Patrick Allard
Les discussions ont mis en lumière les nombreux défis posés par la pollution de l’eau. Les microplastiques, par exemple, sont omniprésents dans nos océans et nos cours d’eau, et leurs effets sur la santé humaine sont encore mal compris. De même, les PFAS, souvent appelés “polluants éternels” en raison de leur persistance dans l’environnement, posent des risques significatifs pour la santé publique.
Les chercheurs ont également discuté des lacunes dans la recherche actuelle. Bien que des études aient été menées sur les effets des PFAS sur le cancer, par exemple, il reste beaucoup à découvrir sur leur impact sur l’épigénétique et d’autres aspects de la biologie humaine.
Vers un monde plastique plus durable
La table ronde « Vers un monde plastique plus durable : Recyclabilité naturelle et recyclabilité technique pour réduire la pollution plastique » a réuni des experts pour discuter de stratégies innovantes de lutte contre la pollution plastique. Le panel était composé de Lucille Chatellard (UMR IATE, Université de Montpellier), Nathalie Gontard (UMR IATE, INRAE), Cristina Nerín (Professeur émérite, Université de Saragosse), et Vincent Colard (Directeur R&D Matériaux, CITEO).
Nathalie Gontard a souligné l’importance de réduire la production de plastique et d’améliorer la recyclabilité. Elle a souligné la nécessité d’une approche systémique qui intègre les efforts scientifiques, industriels et sociétaux, notamment pour réaliser des analyses complètes du cycle de vie afin de s’assurer que les solutions alternatives ne transfèrent pas les impacts environnementaux d’un domaine à l’autre.
« Le meilleur plastique est un plastique qui n’existe pas et le meilleur déchet est un déchet qui n’existe pas. Nous devons nous concentrer sur la réduction en tant que stratégie principale, soutenue par le recyclage et d’autres mesures. »
Nathalie Gontard
N. Gontard a également évoqué les défis posés par le développement de plastiques biodégradables qui ne compromettent pas la sécurité alimentaire ou la santé de l’environnement. Cette approche permet de sélectionner les options les plus respectueuses de l’environnement.
Cristina Nerín a fait part des progrès réalisés dans les technologies de recyclage chimique, qui permettent de transformer des déchets plastiques complexes en matières premières réutilisables. Elle a souligné l’importance de la collaboration entre le monde universitaire et l’industrie pour améliorer les processus de recyclage et réduire l’impact sur l’environnement.
Vincent Colard a mis l’accent sur le rôle de la conception dans la création d’emballages recyclables. Il a souligné que la simplification des types de plastique utilisés et l’amélioration des systèmes de collecte sont essentielles pour augmenter les taux de recyclage. V. Colard a également évoqué le potentiel des systèmes de consigne pour stimuler l’efficacité du recyclage.
Dans le cadre d’un projet pilote à l’hôtel Intercontinental de Marseille, la production de déchets plastiques a été réduite de 68 % grâce à la mise en œuvre de pratiques et de solutions alternatives. Ce projet a également permis de réaliser des économies et d’accroître la satisfaction du personnel et des clients. La table ronde s’est conclue par un consensus sur la nécessité de solutions intégrées combinant l’innovation technique, le soutien politique et l’engagement du public pour lutter efficacement contre la pollution plastique.
Vers un mode durablement contaminé ?
Dans les régions souffrant de stress hydrique, comme le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, l’utilisation des eaux usées traitées pour l’irrigation est une solution potentielle pour la durabilité agricole. Cependant, cette pratique est entravée par des problèmes de contamination chimique et un manque de confiance dans la sécurité de l’eau traitée. Les chercheurs ont donc recommandé de renforcer les capacités de traitement des eaux usées et d’améliorer la communication et la coordination avec les communautés agricoles.
La conférence a donc été l’occasion de réfléchir aux perspectives. Les participants ont discuté des moyens de renforcer la collaboration entre les chercheurs, les décideurs politiques et le grand public. Ils ont souligné l’importance de la sensibilisation et de l’éducation pour encourager des comportements plus durables.
Grâce au soutien de la Région Occitanie, de l’Institut ExposUM, de la Fondation ARAID et du pôle Agriculture Environnement et Biodiversité de l’Université de Montpellier, la conférence “Humain à l’eau” a été un succès, réunissant des experts de divers domaines pour discuter des contaminants de l’eau et de leurs impacts. Avec une approche interdisciplinaire, les participants ont pu échanger des idées, identifier des solutions innovantes et tracer la voie vers un avenir plus durable. Cette conférence a démontré l’importance de la collaboration et de l’engagement collectif pour relever les défis environnementaux de notre époque, d’autant que de nombreuses régions du monde font désormais face à des problèmes d’accès à une eau de qualité.
23 avril :
08:45-09:00 Ouverture par Philippe Augé (Président de l’Université de Montpellier)
Introduction par Patrick Caron (Directeur de MAK’IT) et Charlotte Boullé (responsable de l’axe formation de l’Institut ExposUM)
09:00-09:20 Présentation par le Comité scientifique des scientifiques invités : Ramia Al Bakain (Université de Jordanie), Patrick Allard (UCLA), Filomena Silva (ARAID).
09:20-10:00 Conférence inaugurale : La restauration de l’eau – Eric Servat (Directeur du Centre International UNESCO sur l’Eau – ICIREWARD)
10:20-12:30 Session 1 : Les plastiques dans nos eaux : préoccupations et solutions d’avenir
- La problématique des plastiques de la Mer Méditerranée – Elodie Solal (Consultante, Beyond Plastic Med)
- Micro/nanoplastiques : leur toxicité pour les organismes marins et les solutions innovantes – Miguel Oliveira (Chercheur, Centre for Marine and Environmental Studies – CESAM)
- Membranes biocatalytiques pour la dégradation des micro/nano plastiques dans les effluents d’eaux usées – Jonas Gurauskis (Chercheur, Aragonese Foundation for Research & Development – ARAID)
- Table ronde : Vers un monde plastique plus durable : recyclabilité naturelle et recyclabilité technique pour réduire la pollution plastique, avec Lucille Chatellard (Maître de conférences, UMR IATE, Université de Montpellier), Nathalie Gontard (Directrice de recherche, UMR IATE, INRAE), Cristina Nerín (Professeure honoraire de chimie analytique, Université de Saragosse), Vincent Colard (Directeur R&D Matériaux, CITEO) – Modération par Gilles Pradeau (MAK’IT)
Cette conférence se déroule en même temps que la quatrième session du Comité de négociation intergouvernemental chargé d’élaborer un instrument international juridiquement contraignant sur la pollution par les matières plastiques, y compris dans le milieu marin (INC-4), qui se tient à Ottawa, au Canada. C’est donc l’occasion rêvée de réunir ce groupe d’experts afin de contribuer à faire la lumière sur la pollution plastique et sur les moyens de s’en emparer. Ce groupe interdisciplinaire travaille depuis de nombreuses années sur le recyclage des plastiques et les politiques « zéro déchet », ainsi que sur les alternatives durables aux plastiques, ce qui fait d’elles les personnes idéales pour aborder toutes les questions liées à la chaine d’utilisation des plastiques.
12:30-14:00 Déjeuner
14:00-16:30 Session 2 : Gestion de la rareté de l’eau : approche durable et projets pilotes
Introduction – Mouïn Hamzé (Conseiller scientifique du CIHEAM Bari et modérateur): Water and Climate Change: Challenges for the Mediterranean Agricultural and Food Systems
- Panel 1 : Gestion de l’eau : pénurie, pollution et impact sur le changement climatique
- Water resources scarcity due to global change. Challenges and solutions – Patrick Lachassagne (directeur du laboratoire HydroSciences Montpellier, IRD)
- Chemical diversity and the role of analytical capabilities in characterizing water contamination – Elena Gomez (Professeur des Universités, HydroSciences Montpellier, Université de Montpellier)
- Evaluation of emerging contaminant removal processes during artificial recharge through a reactive barrier: from laboratory experiments to field application – Geoffroy Duporte (Maître de conférences, HydroSciences Montpellier, Université de Montpellier)
- Panel 2 : Recherche, innovation et enjeux géopolitiques de l’eau dans la région Méditerranéenne
- Research and innovation to face challenges on Climate Change and its impact in the food system of the Mediterranean region – Giuseppe Provenzano (Division Enseignement supérieur et recherche, Union pour la Méditerranée)
- Adapting treated wastewater reuse face to global and climate changes in water scarcity regions: experience of groundwater artificial recharge and irrigation in Tunisia – Fethi Laachal (Water Research and Technology Centre, CERTE)
- Water Reuse in Algerian Oasis Region: Institutional Management Bottlenecks and Demonstration of Operational Feasibility – Nassim Ait Mouheb (Chargé de recherche, UMR G-EAU, INRAE)
16:30-17:30 Cocktail
24 avril :
09:00-12:00 Session 3 : Notre futur avec les polluants éternels
- Overview and update on PFAS chemicals and their toxicity – Sue Fenton (Directrice du Center for Human Health and the Environment, North Carolina State University)
- Prevalence of PFAS in the ecosystem – Mathieu Ben Braham (Chargé de mission scientifique et règlementaire, Générations futures)
- PFAS in Europe, water, and regulation – Jelena Prtorić (Journaliste, Projet Troubled-Waters.eu)
- A contaminated future? The concerns of the environment and the epigenome – Giacomo Cavalli (Directeur de recherche, Institut de génétique humaine, CNRS)