Demandes de justice et traitement des injustices socio-spatiales et environnementales dans les pays du Sud

  • Type d'évènement :
  • Dates : Du 24 au 26 avril 2024
  • Lieu :

Lieu :

Le 24 avril : MSH SUD, Site St Charles 2 (71 rue du Professeur Henri Serre, Montpellier) ; horaires : 14:00-18 :00

Les 25 et 26 avril : Amphithéatre Ressources humaines (5 boulevard Henri IV, Montpellier) ; horaires : 09:00-17:30

Langues :

L’événement se déroulera en anglais et en français.

Les pays du Sud connaissent des processus forts d’exclusion foncière et d’exposition à des risques environnementaux, souvent liés à des logiques extractivistes particulièrement brutales. Face à ces situations, on observe une mobilisation croissante des concepts de justice socio-spatiale et environnementale dans les travaux de recherche visant à les décrire et à analyser les différentes formes de résistance ou de contestation qu’elles suscitent. Mais ces concepts reposent implicitement ou explicitement sur des théories de l’État et de la citoyenneté supposées universelles. Le colloque a pour objectif de confronter ces concepts aux relations sociales spécifiques entre l’Etat et les citoyens, dans différents contextes du Sud global.

En effet, les notions de justice et les moyens d’obtenir justice diffèrent radicalement d’un contexte à l’autre. Cette diversité est liée aux multiples configurations de l’État, des communautés locales, des traditions juridiques, des pluralismes normatifs locaux, et des institutions et acteurs intermédiaires qui ont opéré dans la mise en relation entre ces communautés, les instances étatiques et juridiques et les opérateurs économiques. Ces différences de configuration expliquent la variété des perceptions de la notion de justice et des formes stratégiques mobilisées dans les contextes locaux pour obtenir satisfaction de certaines demandes.

D’une part, les représentations du juste et de l’injuste, de l’équitable et de l’inéquitable, varient d’un contexte social à un autre, en fonction de l’ampleur des inégalités, mais aussi de la façon dont elles sont ou non légitimées à travers un ensemble de dispositifs politiques et institutionnels pouvant opérer à différentes échelles. D’autre part, contrairement au postulat libéral selon laquelle la citoyenneté et le droit (et donc le recours à l’État) sont au soubassement de la conceptualisation de la justice et de sa mise en œuvre, les demandes de réparation ne s’adressent pas forcément à l’État. À tout le moins, elles ne mobilisent pas nécessairement le droit et l’appareil judiciaire, pour une série de raisons qui tiennent aux rapports du droit à la société, à la confiance dans cette institution, à son accessibilité, etc. En pratique, tout un ensemble de relations sociales, spatiales et politiques contribuent à définir tant les façons différenciées de concevoir, de recourir à et d’exercer la justice, que les moyens par lesquels les sentiments d’injustice sont exprimés par les individus et – parfois – mobilisés par des groupes mobilisés pour obtenir une réparation collective.

Il est donc utile d’interroger cette diversité de conceptions et de pratiques de la justice. L’échelle nationale est particulièrement pertinente pour cet exercice, car les concepts de justice forgés dans les périodes coloniale et postcoloniale structurent la place du droit et de l’appareil judiciaire dans le traitement des conflits, et souvent le cadre dans lequel se déroulent les luttes locales. L’échelle nationale détermine également les canaux et les registres institutionnels à travers lesquels des notions formalisées dans les forums globaux, comme celle de justice environnementale ou de droits humains, sont saisies, interprétées et mobilisées. Pourtant, c’est bien aux échelons locaux que doivent être analysés avec finesse les processus à travers lesquels se réalisent les formes de rencontre, d’ajustement et d’hybridation entre registres et instances de justice – internationaux, nationaux, locaux –, ainsi que les acteurs qui interviennent dans ces processus en fonction de logiques propres.

L’objectif de ce colloque est ainsi de mobiliser des travaux de terrain portant sur différentes situations d’(in)justices socio-spatiales et environnementales dans les pays du Sud. Il s’agit d’avancer dans la compréhension de ce que signifie la justice pour les acteurs locaux (comment ils en formulent les enjeux et par quelles voies ils cherchent à obtenir satisfaction) et du traitement par les États de ces demandes de justice. Il s’agit enfin, par cette approche, de mettre au jour les diverses trajectoires de formation et de reconfigurations de l’État et de la citoyenneté à travers les formes d’expression et de traitement des injustices.

Conceptions de la justice, accès au droit et pratiques de la citoyenneté dans les pays du Sud : des questionnements

Nous proposons d’aborder la question de la justice socio-spatiale et environnementale en référence à de situations d’exclusion de l’accès aux ressources foncières (terres et ressources naturelles) et d’exposition à des risques environnementaux, du fait de grands projets publics ou privés transformant l’espace et ses usages. Cette perspective interroge les processus politiques, juridiques et sociaux qui rendent possibles ces exclusions et ces expositions, et en particulier la racialisation, l’invisibilisation, l’infériorisation de personnes et/ou de lieux qui aboutissent à des situations où les droits n’existent pas, ne sont pas reconnus, ou bien ne peuvent pas être exercés. Nous nous intéressons aussi la façon dont son construites les demandes de justice face à ces exclusions et ces expositions, et la façon dont l’État les prend ou non en charge. En interrogeant l’(in)justice de cette manière, nous souhaitons contribuer aux débats sur les formes de l’État et les formes correspondantes de la citoyenneté telles qu’ils sont vécus en pratique dans différents contextes au sein des pays du Sud.

Nous proposons d’organiser la réflexion autour de la grille suivante :

  1. Dans quels contextes et à quelles conditions l’exclusion de l’accès aux ressources foncières et/ou la soumission à des risques environnementaux suscitent-elles des sentiments d’injustice au sein des groupes sociaux concernés ? Dans quels termes et par quels processus ces derniers formulent-ils ces sentiments ?
  2. Ces sentiments suscitent-ils des expressions publiques et sous quelles formes ? À qui s’adressent-elles ? Comment le problème est-il construit ? Quels acteurs sont-ils dénoncés comme responsables ? Quels sont les différents répertoires d’action mobilisés (appel aux instances judiciaires, recours aux instances exécutives, recherche de médiations, mobilisations politiques, recours à la violence, etc.) ? Quels alliés et intermédiaires interviennent dans la (re)formulation et le soutien aux revendications ? Quel genre d’État est imaginé et revendiqué dans ces recherches de justice ?
  3. Comment ces demandes de justice sont-elles traitées par diverses instances (locales, nationales ou internationales ; étatiques ou non étatiques) ? Quels sont les modes d’accès à ces instances et quelles figures intermédiaires interviennent dans ces traitements ? Quels rôles jouent l’appareil judiciaire, l’administration locale, les forces de l’ordre ? Quelles sont les formes d’usage du droit et quelle est la place de la coercition, de la violence et de la répression dans le traitement de ces demandes de justice ?
  4. En quoi l’histoire politique (précoloniale, coloniale et postcoloniale), et en particulier celle des rapports entre l’État et sa population, structure-t-elle les formes de l’injustice, les revendications des acteurs locaux et leur représentation de l’État ? Symétriquement, en quoi les formes locales de présence d’intervention de État ont-elles pu être influencées par des conflits des mobilisations en demande de justice ? Quelle a été la place du droit et des institutions judiciaires dans les évolutions des situations d’injustice et des rapports à l’Etat ?
  5. Finalement, que nous disent ces demandes de justice socio-spatiales et environnementales et leurs formes de traitement quant aux expériences locales de citoyenneté (e.g. sujet ou non de droits locaux, nationaux, internationaux).

Mercredi 24 avril

Lieu : MSH SUD, Site St Charles 2 (71 rue du Professeur Henri Serre, Montpellier)

14 h Ouverture

14 h 30 Analyser les demandes de justice et le traitement des injustices socio-spatiales et environnementales dans les pays du Sud, William’s Daré (Cirad, UMR SENS), Stéphen Huard (IRD, UMR SENS), Philippe Lavigne Delville (IRD, UMR SENS), Eric Léonard, (IRD, UMR SENS) & Tania Murray Li (Université de Toronto)

15 h 30 Pause-café

16 h Le cas Kichwa de Sarayaku à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme. Conflits d’interprétation sur la justice environnementale, Elisabeth Cunin (IRD, URMIS)

17 h Environmental suffering on working-class communities. Localized definitions of environmental justice in the Matanza-Riachuelo Basin (Argentina), Gabriela Merlinsky (University of Buenos Aires)

18 h Fin

19 h Cocktail

Jeudi 25 avril

Lieu : Amphithéatre Ressources humaines (5 boulevard Henri IV, Montpellier)

9 h 00 Injustices hydriques au Chili. De l’ambiguïté de la saisie du droit dans les résistances locales, Chloé Nicolas-Artero (Politecnico di Milano)

10 h État, injustices socio-spatiales et réponses depuis les territoires communaux au Pérou, Maria Luisa Burneo (Instituto de Estudios Peruanos)

11 h Pause-café

11 h 30 Catégoriser les populations pour limiter le coût de la « justice socio-environnementale » : l’exemple du barrage de Belo Monte (Amazonie brésilienne), Véronique Boyer (CNRS, UMR Mondes Américains) & Eduardo Xavier Ferreira (UFRJ)

12 h 30-13 h 30 déjeuner           

13 h 30 Quand la domanialité devient une stratégie foncière d’exclusion. Le cas du complexe solaire de Midelt (Moyen Atlas, Maroc), Mohammed Benidir (INAU, Rabat) et Anna Dessertine (IRD-PRODIG/INAU, Rabat)

14 h 30 Voicing the Right to a “Fair Dispossession” The Contested Politics and Moral Economies of Land Deals. Insights from Madagascar, Mathilde Gingembre (University of East Anglia)

15 h 30 pause

16 hThe company promised an elephant but finally gave us a hen: Technologies of hopes and broken promises of a large-scale land deal in Senegal, Marie Gagné (Concordia University)

17 h Agrarian justice and land rights: The missed promises of post-conflict transition in Liberia, Jacobo Grajales (Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne), Kou Gbaitor-Johnson (Center for Action, Research and Training, Monrovia), Hueward Neal (Research and Training, Monrovia)

18 h Fin

Vendredi 26 avril

Lieu : Amphithéatre Ressources humaines (5 boulevard Henri IV, Montpellier)

9 h 00 New spatialities of adivasi displacement: uneven responses to thefragmentation of an indigenous geography in Southeastern India, Nivruti Gangadevi, (Tata Institute of Social Science, Hyderabad) & Thomas Herzmark (International Centre for Advanced Studies, New Delhi)

10 h Des bulldozers brûlés au tribunal de Nanterre : Parcours de paysans bunongs du Cambodge en quête de justice, Catherine Scheer (EFEO, CASE)

11 h Pause-café

11 h 30 Dispossessions, repossessions and the quests for justice: how struggles against past land injustices reconfigure fragmented sovereignties in Myanmar, Celine Allaverdian (Université de Montréal, AgroParisTech/Université Paris-Saclay, GRET)

12 h 30-13 h 30 Déjeuner

13 h 30 “De la benne à la cabine” : Le cheminement politique et juridique des indépendantistes kanak dans l’industrie minière, Marta Gentilucci (Université de Mayotte)

14 h 30 A French Caribbean « petit pays » demand for Justice, Laura Bini Carter (CUNY Graduate Center)

15 h 30 pause

16 h Débat général et clôture

17 h 30 Fin